Une révolution discrète dans le Code monétaire et financier
Depuis le 30 avril 2025, la France a franchi une étape décisive dans la régulation des actifs numériques.
Avec l’entrée en vigueur de la loi DDADUE (loi d’adaptation au droit de l’Union européenne), un nouvel article du Code monétaire et financier légalise explicitement le nantissement de crypto-actifs.
Jusqu’alors, les détenteurs de cryptomonnaies souhaitant mobiliser leur patrimoine n’avaient que deux options : vendre (et s’acquitter de la flat tax de 30 % sur les plus-values) ou prêter leurs tokens via des protocoles DeFi, avec des contraintes importantes.
Un cadre légal pour le crédit lombard crypto
La loi reconnaît désormais la possibilité de mettre en garantie ses cryptos sans les vendre.
Cette opération, nommée « nantissement », permet à un particulier ou une entreprise d’obtenir un prêt en euros tout en conservant la propriété de ses actifs numériques.
C’est le fonctionnement du crédit lombard adapté aux crypto-actifs : tant que l’emprunteur rembourse, il ne subit aucune imposition, car il n’y a pas de cession.
L’actif n’est ni vendu, ni transféré — une nuance fiscale essentielle.
Fin du flou fiscal, mais pas encore pour la DeFi
Avec cette clarification, l’État met fin à une zone grise fiscale : jusqu’à présent, les prêts garantis en cryptos pouvaient être requalifiés en opérations imposables, faute d’un cadre juridique défini.
La DDADUE sécurise désormais ces opérations, tout en renforçant l’attractivité de la place financière française pour les acteurs Web3.
Cependant, la finance décentralisée (DeFi) n’est pas encore pleinement couverte.
Les prêts automatisés via smart contracts ne bénéficient pas de cette nouvelle protection juridique.
Un point que la Direction générale du Trésor pourrait être amenée à clarifier dans de futurs textes réglementaires.
Un tournant stratégique pour les investisseurs crypto
Les détenteurs de crypto-actifs peuvent désormais envisager des stratégies de levier ou de refinancement dans un cadre légal sécurisé, sans passer par une vente taxable. Cela ouvre la voie à des services bancaires innovants autour des actifs numériques, à l’image de ce qui existe déjà en Suisse ou à Singapour.
Certaines plateformes crypto centralisées pourraient à terme proposer des produits de type « crédit lombard crypto » sous supervision de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), renforçant encore la légitimité de ces instruments.
Anticipation : vers une fiscalité crypto différenciée ?
En reconnaissant le nantissement sans imposition, la France envoie un signal fort : tous les mouvements liés aux crypto-actifs ne sont pas systématiquement fiscalisés. Cette approche pourrait préfigurer une fiscalité plus fine et mieux adaptée aux cas d’usage réels des cryptos, dans un esprit de compétitivité européenne.
Reste à voir si cette logique sera étendue à d’autres formes de finance numérique, notamment à la DeFi et aux NFT, encore dans une forme de vide réglementaire partiel.