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Un avertissement qui sonne comme une manipulation

Sam Altman, PDG d’OpenAI, a récemment affirmé dans une interview accordée à The Verge que les investisseurs sont globalement trop excités par l’IA, que certaines valorisations sont insanes et qu’une bulle est en formation.
La formulation est claire : oui, c’est volatile, oui, c’est déconnecté — mais surtout, il le dit lui-même, en position de force, à un moment où il mobilise des capitaux massifs.
Cette prise de parole, en apparence honnête, peut-elle viser à calmer les marchés… pendant qu’OpenAI continue de lever des sommes colossales ?

Le paradoxe Altman : alerter pour mieux rassurer

Le geste est savamment dosé.
Sam Altman évoque l’histoire des bulles passées — notamment celle de la bulle Internet — pour suggérer un recul intelligent : quand les bulles surviennent, les gens intelligents s’emballent.
Mais pendant cette même période, OpenAI continue de signer des levées de fonds records, avec des valorisations dépassant parfois les 300 milliards de dollars.
Le modèle GPT-5 est commercialisé, les investissements industriels se multiplient, les datacenters sont financés à coup de milliards.
Autrement dit, Altman joue la prudence verbale tout en alimentant la machine financière.
Une stratégie d’apparence lucide, mais dont l’impact sur la concurrence est à questionner sérieusement.

Une tactique pour freiner… la concurrence ?

Dans le récit officiel, l’objectif serait de protéger les investisseurs d’une surchauffe irrationnelle.
Mais en réalité, cette mise en garde pourrait bien servir de repoussoir pour les nouveaux entrants.
En publiant des signaux d’alerte, Altman peut décourager les levées de fonds de concurrents comme Anthropic, Cohere, xAI ou d’autres start-up IA émergentes, tout en verrouillant un avantage compétitif.
En rendant le secteur officiellement “risqué”, il devient plus difficile pour des outsiders d’attirer les fonds nécessaires à leur développement.
C’est un levier de pouvoir, pas un simple commentaire de marché.

Une gouvernance déjà trouble

Ce ne serait pas la première fois que Sam Altman adopte une posture stratégique.
On se souvient de son éviction temporaire de la tête d’OpenAI en 2023 pour manque de transparence et de gouvernance.
Il avait été réintégré après une révolte interne… mais l’épisode a révélé à quel point sa communication publique pouvait être soigneusement calibrée.
L’avertissement actuel sur une “bulle” n’échappe probablement pas à cette logique d’image maîtrisée.

Une bulle bien réelle… mais pas forcément celle qu’on croit

Le contexte donne raison à ceux qui, comme Altman, parlent d’une bulle.
Les investissements en IA explosent, les valorisations sont parfois absurdes, et une part importante des projets IA en entreprise n’aboutissent à rien.
Des études indiquent que plus de 90 % des déploiements IA ne produisent aucun ROI à ce jour.
Mais faut-il pour autant croire qu’OpenAI serait l’exception vertueuse ? Ou plutôt une entreprise qui capitalise sur la bulle tout en décrédibilisant les autres pour mieux attirer les flux ?
La question mérite d’être posée.

Altman, lanceur d’alerte ou stratège médiatique ?

Ce que certains voient comme de la prudence peut aussi être interprété comme un mouvement défensif.
En dénonçant la bulle, Sam Altman tente peut-être de désamorcer une future critique à son encontre, tout en affaiblissant ses concurrents avant qu’ils ne deviennent trop solides.
Il se présente comme lucide, raisonnable, modéré… mais sa société continue d’aspirer les financements et d’imposer ses règles au secteur.
Altman a peut-être plus intérêt à ce que la bulle éclate ailleurs que chez lui.

Les propos récents de Sam Altman sont loin d’être anodins.
Derrière le vernis de lucidité se cache peut-être une stratégie parfaitement rodée pour consolider la domination d’OpenAI sur un secteur en surchauffe.
Moins un cri d’alarme qu’un outil de contrôle narratif, destiné à ralentir les concurrents et à capter l’attention des investisseurs.
Dans un environnement hyper concurrentiel, chaque mot compte.
Et ceux d’Altman, sous leurs airs modérés, pourraient bien être les plus stratégiques de tous.